mercredi 2 février 2011

Le systeme imposé aux Algeriens doit ceder

Ne plus se taire

Mohamed Benchicou nous revient, après une éclipse de plus de deux ans, décidée par les tenants du système de gestion, imposé depuis l’été 1962 à notre peuple...

Pour l’édification des millions de jeunes désœuvrés qui peuplent les rues de nos villes et villages et qui ne rêvent que d’un ailleurs problématique, un rappel historique s’impose:

A l’été 1962, les “indigènes’’ que nous étions durant 132 ans, pouvions crier à la face du monde notre bonheur d’être enfin un Peuple, une Nation …

Nous espérions légitimement étaler notre fierté de la dignité retrouvée, après les

immenses sacrifices consentis sans compter face à la puissante armée coloniale française dont les généraux, humiliés au Vietnam, entendaient se rattraper chez nous pour maintenir coûte que coûte l’Algérie dans le giron de l’empire colonial français, contre le cours de l’Histoire…

L’extraordinaire joie de notre peuple à la suite du référendum d’autodétermination exprimait d’abord le soulagement : la guerre est enfin finie ! Il n’y aura plus de ratissages, de bombardements, plus d’incendies de nos forêts.

Les rafles, le couvre-feu, les tortures, les emprisonnements et internements appartiennent désormais au passé.

Puis vint le cauchemar de la nouvelle colonisation de l’Algérie…

Des individus fourbissant leurs armes dans des “maquis’’ situés au… Maroc et en Tunisie, pendant que notre peuple faisait face aux tueries de l’impérialisme français, sont entrés en force par les frontières ouest et est du pays, sanglés dans leurs uniformes neufs et paradant avec un matériel militaire qu’ils allaient désormais étrenner dans nos villes et villages…

Qui étaient-ils ?

Certains étaient nés à l’étranger, y avaient vécu jusqu'à l’âge adulte et n’ont foulé le sol du pays de leurs aïeux qu’après la fin de la guerre de Libération nationale.

D’autres venaient directement de l’armée française où ils étaient des sous-officiers de carrière, fraîchement promus officiers par la grâce d’un général de Gaulle.

Les premiers se faisaient très discrets sur leurs origines, les seconds, déserteurs pour la plupart, n’entendaient pas non plus s’étaler sur leur passé récent, de crainte d’avoir à s’expliquer sur certains actes ou comportements négatifs.

Les uns et les autres montraient en revanche un zèle et une docilité qui plaisaient à

leurs chefs autoproclamés .

Bien évidemment, il y avait aussi une multitude de jeunes issus des camps ouverts en Tunisie et au Maroc pour accueillir les milliers de familles chassées de leurs douars situés en zone frontalière par les bombardements de l’armée française.

L’ensemble formait donc l’armée des frontières.

Les chefs de cette armée des frontières grisés par la facilité avec laquelle leurs troupes sont entrées en Algérie en 1962 sans rencontrer de résistance armée, obnubilés en cela par la puissance que leur conféraient les mitrailleuses et les chars et chevillés dans leur foi d’être des “sauveurs de la Patrie’’ étaient déterminés à régner sans partage sur le pays, son peuplement, sa faune et sa flore quoiqu’il en coûte pour les malheureux algériens !

L’Etat national dont nous rêvions est désormais squatté ; il devient une dépendance pleine et entière d’un pouvoir clanique.

Qui étaient-ils ces bénéficiaires du fruit du combat de Libération nationale ?

Ils avaient érigé autour de leurs personnes un voile de mystère d’une telle opacité que plus de 40 ans après, les nouvelles générations sont dans l’incapacité de connaître leur passé. Ils sont très nombreux, ceux qui croient innocemment en l’existence d’un “maquis au Mali”...

Dès leur accaparement du pouvoir, ils décidèrent de fabriquer une histoire officielle, sorte de chronologie soigneusement expurgée de tout fait susceptible de susciter des interrogations.

Amnésie et opacité ! Hier, mots d’ordre dans cette “armée des frontières’’. Aujourd’hui, maîtres mots chez les détenteurs du pouvoir qui en sont les héritiers.

Pour parvenir au pouvoir et s’y maintenir, ils concevront dans les bases arrière hors du pays une police politique d’une impitoyable et redoutable efficacité. Assassinats en et hors d’Algérie (Ramdane Abbane notamment), internements arbitraires de figures emblématiques (Ferhat Abbas par exemple), tortures, accaparement de biens de la collectivité nationale.

Aux chars et mitrailleuses capables de semer la mort ,se sont ajoutés des instruments moins visibles mais ô combien terrifiants et douloureux : la matraque en caoutchouc, le pneu usagé, le tuyau d’arrosage, la dynamo électrique, les bouteilles en verre… Toute une panoplie de moyens par lesquels des auxiliaires zélés pouvaient impunément injecter la douleur dans les corps et humilier les dignités de ceux et celles qui “osaient’’, voire sur lesquels pesaient seulement des soupçons…

Malheur à celui qui tentait de savoir “qui est qui”?

Les techniques et méthodes employées par les militaires fascistes de la France coloniale pour arracher des “aveux’’, ont été affinées par leurs émules algériennes. La malheureuse Algérie post-coloniale leur servira d’immense laboratoire sous l’oeil amusé ou indifférent des maîtres du pays conquis.

Au lendemain du coup d’Etat du 19 juin 1965, un membre du Conseil de la révolution tenait aux responsables syndicaux le discours suivant :

“Nous sommes au pouvoir pour trente ans. Nous ne permettrons aucun désordre et

nous sommes prêts à éliminer un million d’individus s’il le faut”!

Ce personnage quittera la scène politique quelques années seulement après le coup de force et ne survivra que très peu encore avant de mourir chez nos voisins marocains…

Le régime autoritariste imposé aux Algériens en 1962, populiste — avec une coloration civile — deviendra plus militaire et plus dogmatique avec le coup d’Etat du 19 juin 1965.

Aux brigades présidentielles – officines de tortionnaires – dont disposait Benbella, les promoteurs du coup de force contre l’ancien Président de la République, s’appuieront désormais sur la “Sécurité militaire’’ de sinistre mémoire.

Sans ménagement aucun, celui qui a servi de paravent pour la mainmise sur l’Etat algérien, sera jeté aux oubliettes et “Sa” Constitution (approuvée par des militants du Parti dans une salle de cinéma) promulguée le 10 septembre 1963, sera suspendue.

Après treize années de non droit, les successeurs de Benbella daigneront octroyer aux Algériens une Constitution (promulguée le 22 novembre 1976 par l’ordonnance n° 76-97) qui fera du socialisme une ''option irréversible, aboutissement logique de la Révolution du 1er Novembre 1954 ''(art. 10)…

Son art. 14 mérite le rappel : ''la propriété de l’Etat est établie de manière irréversible sur les terres pastorales agricoles ou à vocation agricole… les entreprises, banques, les moyens de transport, etc. Le monopole de l’Etat est établi de manière irréversible sur le commerce extérieur et de gros''…

La mort en 1978 de l’initiateur du coup d’Etat du 19 juin 1965, annoncera un toilettage de “Sa” Constitution.

Il interviendra par la loi n° 7906 du 07 juillet 1979 .

Toutefois ''l’option irréversible du peuple '' qu’est le socialisme ne disparaîtra que par l’effet de la nouvelle Constitution (23 février 1989)…

Désormais, le pouvoir sérieusement mis à mal en octobre 1988 n’effraie plus les Algériens. Sa police politique n’est plus ce qu’elle était … La crainte d’avoir à rendre des comptes un jour devant le Tribunal pénal international y est pour quelque chose.

A Mohamed Benchicou et à tous les journalistes qui ont goûté de la prison, je veux manifester ma sympathie et ma solidarité. Je veux leur dire que leur combat est le mien, il doit être celui de tous ceux et toutes celles qui n’entendent pas assister les bras croisés devant la déliquescence de notre Etat national, la paupérisation de notre peuple et le désespoir de nos jeunes dont sont responsables les dirigeants du

pays.

Qu’il me soit permis d’ajouter mon admiration pour l’homme d’Etat qu’est Monsieur

Ahmed Benbitour.

Sa réflexion lucide, terriblement irréfutable procède du devoir militant et patriotique

d’éveil des consciences. Elle interpelle en premier les hommes du Pouvoir terrés dans un silence assourdissant…

Qu’est-ce qui peut alors ébranler les certitudes de “ceux d’en haut’’ ?

Ni les billets de Hakim Laâlam, de Amari Chawki, Mustapha Hammouche et autres ;

Ni les caricatures de Dilem, Hic et autres ;

Ni les analyses et mises en garde solennellement proférées par les meilleurs des fils et filles de notre pays n’ont entraîné la moindre réaction de ceux qui continuent à confisquer l’Etat national :

-Qu’importe l’absence de projet de société ;

-Qu’importe la démographie démentielle qui hypothèque l’avenir ;

-Qu’importe les détournements et atteintes quotidiennes au patrimoine de la communauté nationale ;

-Qu’importe que des centaines de milliers de jeunes Algériens ne rêvent que d’un ailleurs ;

-Qu’importe que des responsables de la terreur obscurantiste se pavanent dans nos villes et villages, prêts à en découdre avec ceux qui osent les regarder en face ;

-Qu’importe le classement de notre pays parmi les plus corrompus de la planète ;

-Qu’importe qu’en matière de développement humain l’Algérie se classe au bas de

l’échelle mondiale ;

-Qu’importe, qu’importe… Le régime se tait : il croit que l’amnésie et l’opacité qui ont toujours caractérisé ses méthodes de gouvernance, peuvent encore le sauver ?

Que non pas !

Nous nous devons de continuer à l’interpeller, à lui réclamer des comptes, à exiger la restitution de l’Etat qu’il a squatté en 1962.

Par Cherif DERBAL *

* Ancien combattant de la guerre de libération nationale (emprisonné de 1957 à 1962),

Cadre de l’Etat à la retraite (ancien Magistrat de l’ordre judiciaire, ancien Président de Chambre à la Cour des Comptes, haut fonctionnaire au Ministère des Affaires Etrangères et à la Présidence de la République.

Publié in Le Soir d’Algérie du mercredi 27 septembre 2005 - Page 7

2 commentaires:

  1. M.ALAMI,j'ai mal à mon Algérie, toute votre analyse est juste et que pouvons nous faire,nous les enfants et petits enfants de nos glorieux combattants pour la libération de notre patrie ;,ce n'était sûrement pas pour qu'elle nous soit confisquée par une armée de corrompus. Les Algériens n'aspirent qu'à une chose : vivre bien dans leur pays et c'est un peuple qui a prouvé qu'il pouvait faire pour son pays "Ne demandez pas à l'Amérique,cequ'elle peut faire pour vous ;mais demandez vous ce que vous pouvez faire pour l'Amérique" JFK ;l'Algérie n'est pas l'amérique,mais si elle est capable d'offrir un avenir à ses enfants.Ils oeuvreront,chacun à son niveau. Mais Dieu que le chemin est long.
    continuez à réveiller les consciences, le succès est au bout.
    cordialement
    Libertad

    RépondreSupprimer
  2. BONNE FETE DE L'AID EL FITR
    J'espère avoir de vos nouvelles bientôt .
    Cordialement
    Libertad

    RépondreSupprimer